Le Maquis de l'Ain, haut-lieu de France, impose à tous ceux qui évoquent les souvenirs d'autrefois, les images des vallées verdoyantes du Valromey, des sapins d'Echallon, des larges clairières du Retord battues par le vent, de la rivière d'Ain surplombée par des rochers abrupts.
Et pourtant, la Bresse aux champs si riches, la Dombes aux bourgs si coquets devaient aussi prendre une part active à la lutte et prêter au maquis un concours indispensable en lui apportant les vivres nécessaires.
Mais il fallait drainer ce vaste secteur, grouper en une solide équipe toutes les bonnes volontés. Méprisant les risques, ignorant les dommages matériels, Jean DECOMBLE (dit BENOIT), chef du secteur de Châtillon-sur-Chalaronne, devait consacrer à cette lourde tâche toute son intelligence, toute son énergie.
D'un autre côté c'est à Sandrans qu'habite Henri DURAND propriétaire agricole, responsable des parachutages en Dombes sous l'autorité de son chef Paul RIVIERE (CHARLES HENRI).
Tous deux feront homologuer plusieurs terrains de parachutages, l'un à St Nizier le Désert, deux autres à St Trivier sur Moignans et le dernier sur la propriété d'Henri DURAND à Sandrans qui recevra plusieurs opérations nocturnes.
De nombreuses opérations ont été parfaitement réussies, les armes et explosifs déposés dans les fermes avoisinantes sous une surveillance permanente. Le secteur abondant en ressources agricoles a permi à Henri DURAND de contribuer au ravitaillement des camps maquis même les plus éloignés de la Dombes avec l'aide de Claudius CHARVET.
Pendant la dure année 1943, BENOIT va, de son côté lui aussi, au prix de mille difficultés, diriger vers les lointaines montagnes, le vin, la farine, les pommes de terre. Aussi les maquisards, qui n'ont pas tardé à comprendre quelle contribution de tous les instants il leur donne, lui témoignent-ils reconnaissance et affection.
Après février 1944 et l'opération Caporal, quelques unités vont s'établir dans la Dombes, le P.C. du capitaine Henri PETIT, avec le garage, s'installe à la ferme de Balinces. Au préalable, BENOÎT avait effectué un stage sur la guérilla à la ferme du Fort à Brénod en décembre 1943.
Tous les jours, des agents de liaison arrivent, des camions partent avec des chargements interdits. Les maquis étendent jusqu'aux bords de la Saône leur rayon d'action et BENOIT dirige la nouvelle organisation qui s'avère efficace malgré les miliciens et la Wehrmacht.
Cette activité fébrile va connaître une récompense. BENOIT se rend un jour de printemps au Camp MICHEL, où les hommes sont rassemblés autour d'un mât surmonté du drapeau. Il va recevoir la croix de guerre. En face de lui, devant les hommes qui rendent les honneurs, son fils, l'Aspirant Maurice DECOMBLE. Déjà, ROMANS s'avance pour donner l'accolade à ce compagnon des premières heures...
Une autre grande joie devait attendre BENOIT. Le 6 juin, une journée pluvieuse, la grande nouvelle est arrivée. Aussitôt le soulèvement général, l'A.S. se joint définitivement au maquis, les routes de la Dombes se couvrent de barrages. Hélas, le 11, au cours d'une embuscade, BENOIT trouve une mort glorieuse. Privé de son organisateur, le secteur de la Dombes n'en reste pas moins au premier plan.
Paul DUBOURG prendra la suite de BENOIT.
Les semaines passent, des noms prononcés à la radio permettent de jalonner l'avance alliée. Maintenant les forces américaines venues du sud approchent, elles ne sont qu'à 40 kms du P.C. de CHABOT à Ambérieu en Bugey.
La 11ème Panzer division allemande, prise au piège, donne des coups de boutoir affolés afin de se frayer un passage vers l'est. Les routes de la Dombes sont sur l'itinéraire, Meximieux, point stratégique important les commande. Le 1er septembre, la 45ème division d'infanterie américaine commandée par le Colonel MURPHY et le Lt Colonel DAVISON en liaison avec le major Richard Harry HESLOP et le Capitaine Owen Denis JOHNSON, appuyés par leurs chars « destroyers » vient d'atteindre la ville, solidement protégée par cinq compagnies F. F. I. postées sur les collines.
Aussitôt une colonne allemande, précédée par douze tanks « Panther » se présente aux portes de la cité. La lutte s'engage. Les tanks parviennent à plusieurs reprises dans les rues de Meximieux où ils sont stoppés par les canons des chars américains, neuf d'entre eux sont ainsi détruits. Les forces françaises tiennent magnifiquement sous les obus de 77, et repoussent les vagues d'infanterie. La nuit va tomber, nous n'avons pas cédé un pouce de terrain malgré cette terrible journée. Le Lieutenant VION vient d'être tué, alors qu'il se précipitait à découvert vers un poste de mitrailleuse. Le Lieutenant Roger GIRAUD, pendant une reconnaissance, a été déchiqueté par un obus reçu de plein fouet.
Mais brutalement, un coup de théâtre, les Allemands, après s'être emparés d'un char américain, ont réussi à pénétrer au château, une partie des F.F.I. est cernée dans le séminaire transformé en hôpital. Là, ils supporteront toute la nuit un siège furieux, ripostant à chaque attaque de toutes les fenêtres par un tir violent, brisant tous les assauts.
A l'aube du 2, sous une pluie d'orage, le feu a cessé, les renforts américains sont là, les Allemands enfuis.
Partout les drapeaux français et alliés claquent au vent, une foule enthousiaste parcourt les rues, l'heure de la délivrance tant attendue vient de sonner. Mais à Meximieux, le maquis de l'Ain venait de consentir un ultime et dur sacrifice : vingt-cinq morts et trente-sept blessés, avant de connaître les premiers instants de liberté.
La Voix du Maquis