La bataille de Meximieux s’inscrit dans le processus d’une course poursuite entamée par les troupes américaines et françaises ayant débarqué en Provence le 15 août 1944, contre les unités composant la 19ème armée allemande dont l’ordre de repli vers le nord-est de la France a été donné le 17 août. Il s’agit pour les Alliés de mettre hors de combat le maximum de divisions de la Wehrmacht avant qu’elles se reconstituent dans les Vosges et en Alsace dans le but d’empêcher toute tentative de franchissement du Rhin par nos libérateurs.
Dans l’épisode qui nous intéresse ici, il s’agit pour la 45e division US, venant de Grenoble de procéder à une manœuvre de contournement de Lyon par le nord-est, puis de parcourir la plaine de l’Ain, la Dombes et la Bresse, afin de couper la route à la 19ème armée allemande qui se dirige vers Mâcon et Chalon-sur-Saône, avec pour objectifs Besançon et la trouée de Belfort. Pour contrarier cette manœuvre du 6ème corps US, la redoutable 11ème Panzer Division est chargée d’assurer la protection sur son flanc est en contrôlant les N 83 et 84. Pour cela, il lui faut s’emparer des ponts qui enjambent l’Ain, tout en les détruisant, et de cette façon empêcher toute incursion des troupes américaines au delà de cette rivière en direction de l’ouest. Au cours de cette course poursuite, on lui demande de renouveler son exploit de Montélimar des 21-29 août derniers, c’est-à-dire de sauver une nouvelle fois la 19ème armée allemande en retraite d’une déroute complète.
C’est de cette façon que la petite ville de Meximieux, située entre la plaine de l’Ain et la Dombes, va devenir à ses dépends un enjeu stratégique. La tactique choisie par les Américains et les Allemands conduit la 11ème P.Z. et le 179e régiment appartenant à la 45e division d’infanterie U.S. à une confrontation dont l’apogée sera atteinte à Meximieux. Les F.F.I. de l’Ain vont y être mêlés malgré eux, alors qu’ils ont reçu l’ordre initial de se diriger sur Lyon pour participer à sa libération.
C’est donc le pur hasard qui rapproche maquisards et GI’S dans cet affrontement contre la 11e Panzer Division. Grâce à un jeune Américain, que les maquisards de l’Ain connaissent bien pour l’avoir côtoyé depuis janvier 1944, ce rapprochement a pu se faire. Il s’agit du capitaine Owen Denis JOHNSON, opérateur radio de l’O.S.S. (services secrets américains) qui est aussi le bras droit du major britannique Richard Harry HESLOP, chef du circuit du S.O.E. « Marksman » (services secrets anglais). Il assure la liaison entre le colonel MEYER qui commande le 179e régiment d’infanterie, et les unités F.F.I aux ordres du commandant Henri GIROUSSE. Il met à la disposition de ce régiment américain le bataillon de Lagnieu, commandé par le capitaine Maurice COLIN. Ce dernier est renforcé par la compagnie du lieutenant GIRAUD, celle de MAZAUD formée par les élèves de l’école préparatoire militaire d’Autun ainsi que par la compagnie CHOUCHOU de Marcel VION, sans oublier les compagnies F.U.J., MARTIN et GABRIEL. Du côté américain, le 1er bataillon du 179e, commandé par le Lt colonel Michael DAVISON, se voit confier la défense de Meximieux. Il installe son PC dans un café proche de la gare, alors que le colonel MEYER, commandant le 179e, assisté de son adjoint le colonel MURPHY, prend ses quartiers au petit séminaire. Le colonel GRACE assigne à la compagnie F du 2ème bataillon la mission de défendre le camp de La Valbonne aux côtés des F.F.I. Le reste de son bataillon prend position sur le plateau de la Dombes, non loin de Chalamont. Le 3e bataillon du colonel Philip JOHNSON reste dans le secteur de Loyettes afin de protéger les ponts de l’Ain et les lignes d’approvisionnement. Entre les Américains et les Français, ce sont environ 400 à 500 hommes qui occupent Meximieux. Des avant postes et des batteries d’artillerie environnent la ville, seule la défense du pont de Chazey situé à l’est a été complètement négligée par le colonel MEYER. La 11e P.Z. commandée par le général VON WIETERSHEIM a engagé pour la prise de Meximieux le 11e régiment de Panzer Grenadiers et la moitié des chars du 15e régiment de Panzer
Sans retracer les péripéties qui jalonnent la bataille de Meximieux, il faut rappeler que celle-ci fut précédée au cours des journées précédentes par le repli du camp DIDIER, la prise du camp de La Valbonne, les combats de Saint Christophe, de Chalamont, et de Pérouges à l’avantage de la 11e P.Z. Sans omettre de mentionner la course aux ponts de l’Ain entre Américains et Allemands. Grâce à la participation des F.F.I., ils sont sauvés de la destruction, exceptés ceux de Pont-d’Ain et de Chazey.
C’est au début de la matinée du vendredi 1er septembre 1944 que l’assaut final est lancé contre Meximieux transformée en un véritable camp retranché. Les combats durent une vingtaine d’heures, et ne s’achèvent qu’au milieu de la nuit suivante lorsque les assaillants décident de se retirer. L’attaque contre la ville elle-même est menée dans cinq directions différentes : celle des panzer grenadiers à l’est de la ville, une première bataille de chars dans la Prairie, face à la gare au sud, suivie d’une deuxième dans l’artère principale de la cité venant du sud-ouest, la prise du château de Meximieux par l’ouest et le nord, et pour finir un combat au corps à corps dans les rues et parmi les habitations (faisant de nombreuses victimes civiles) dans le but de s’emparer du petit séminaire où se trouvent retranchés le PC du capitaine COLIN et celui du colonel MEYER. Les combats sont acharnés. Les tués sont beaucoup plus nombreux du côté des F.F.I que des GI’S. Pour l’ensemble des opérations militaires, on dénombre 18 tués américains pour 50 morts FFI. Parmi les héros français tombés au champ d’honneur, citons entre autres, le sergent Robert KOVALSKY, de la Cie GABRIEL, Marcel VION, chef de la Cie « CHOUCHOU », et le lieutenant Roger GIRAUD. Pourtant les Allemands tentent en vain d’obtenir la reddition du camp retranché. Le capitaine CLIN (Maurice COLIN) explique alors aux officiers américains qu’il est hors de question pour eux de se rendre. Ils résistent jusqu’au dernier homme, sachant que s’ils sont faits prisonniers, ils sont exécutés, ou déportés dans les camps de la mort dans le meilleur des cas ! Le 2 septembre, vers 3-4 heures du matin, il faut se rendre à l’évidence, les Allemands sont partis.
Leur objectif est atteint : en gagnant 48 heures dans cette course poursuite contre les Américains, la 11e P.Z. a permis le repli total des unités allemandes en retraite situées au nord de Lyon. Si sur le plan stratégique, c’est indéniablement un succès pour eux, par contre sur le plan tactique, c’est un échec puisqu’ils n’ont pas pu emporter la décision : GI’S et maquisards sont restés les maîtres de la ville.
Au cours de cette bataille de chars, la 11e P.Z. a perdu beaucoup d’engins de combat qu’elle ne peut plus remplacer. En deux jours, grâce à l’efficacité des « Tank Destroyers », des bazookas et de l’artillerie U.S., 12 chars ont été neutralisés ou détruits, dont 10 tanks « Panther », auxquels il faut ajouter 2 automoteurs de 150mm « Hummel », 3 automitrailleuses et une dizaine de véhicules divers. Si on ajoute à ces pertes, celles occasionnés par les combats de Montélimar, cette division de blindés a perdu quasiment le tiers de sa capacité opérationnelle. Mais le plus important à retenir, c’est que cette bataille de Meximieux a permis aux Français et aux Américains de combattre côte à côte. Cette symbiose a permis d’emporter la décision. Elle a aussi modifié considérablement l’opinion qu’ont les généraux américains vis à vis de la valeur combative de la Résistance française. En guise de conclusion, nous laissons le mot de la fin au colonel GRACE, qui, en exprimant devant Owen Denis JOHNSON sa vive admiration à l’égard des maquisards retranchés au Camp de La Valbonne, lui confie : « Je n’ai jamais vu de troupes animées d’un désir aussi franc de tuer les Allemands ».
Patrick VEYRET
Pour en savoir plus :
Général François LESCEL, Objectif Meximieux, DG Communication, 2000.
Victor FOL et René Charles RUDIGOZ, La bataille de Meximieux, Horvath, 1992.